A Metz, la théologie fait peau neuve. Né dans les années 70, le département de théologie, appelé aussi C.A.E.P.R. (Centre Autonome de Pédagogie Religieuse), a développé peu à peu un enseignement théologique adossé à la recherche scientifique tout en maintenant le cap d’une formation adaptée aux besoins pastoraux. Suite au retrait de leur tutelle ecclésiale, les enseignants du département de théologie ont décidé de revoir leur offre de formation. Réfléchissant au contexte pluriculturel de notre société, la nécessité d’un élargissement du champ théologique aux trois monothéismes leur est apparue évidente. Il ne s’agit pas de nous transformer en département de sciences des religions mais de continuer à faire œuvre théologique. C’est pourquoi la formation théologique de l’Université de Lorraine n’a pas d’équivalent dans l’Hexagone.

L’étudiant qui abordera ce parcours découvrira que toute « construction théologique », c’est-à-dire tout système doctrinal faisant autorité dans une religion, est l’expression seconde d’une expérience religieuse se réclamant d’une révélation spécifique. Dans cette perspective, il est nécessaire de faire appel à la théorie de la religion comme lieu d’une rationalité élargie de plusieurs théologies . On peut parler de théologies, au pluriel, en faisant référence à des constructions dogmatiques ou systématiques élaborées dans chaque religion. Mais, on peut tout aussi bien parler de théologie, au singulier, si l’on considère avant tout la théologie comme un exercice donnant lieu à ces constructions. Dans ce cas, la théorie de la religion ne se réduit pas à un listage descriptif de rites, de symboles et de pratiques pour identifier chaque religion d’une manière figée. Elle permet de découvrir la théologique comme un processus vivant. Il s’agit d’analyser la manière dont un groupe humain est fédéré et se fédère (passivement et activement) dans une expérience commune de croyant autour d’une révélation référentielle. Ce qui fait alors « parole de Dieu » (theo-logos) ce n’est ni le texte seul (Bible hébraïque, Bible chrétienne ou Coran) ni la communauté historique qui le rédige et le conserve mais le dynamisme vivant qui unit ces deux pôles pour dévoiler l’acte divin à l’œuvre, c’est-à-dire y approcher la révélation.

Par cette affirmation, nous manifestons déjà la nécessité d’une synergie entre différentes spécialités. Ceci explique que la formation théologique est nécessairement interdisciplinaire. On y est formé à l’histoire, l’exégèse, la dogmatique/systématique, la philosophie.

Le travail théologique que nous proposons devrait permettre de montrer que les représentations irriguant les théologies, qu’elles soient juives, chrétiennes ou musulmanes, puisent aux mêmes symboles. Ces derniers appartiennent à une humanité commune mais, en fonction des expériences vécues liées aux révélations dont elles se réclament, se diversifient en systèmes régis par des lois propres. L’étude des grands textes fondateurs sera donc privilégiée dans cette formation. Voilà pourquoi, elle comporte également un apprentissage des langues anciennes dans lesquels ces textes ont été pensés et rédigés.

Il n’est pas anodin que cette formation théologique se situe au sein de l’UFR des Sciences Humaines et Sociales. En travaillant avec les autres disciplines, nous tâcherons de redécouvrir pourquoi la religion est un fait intrinsèque à l’humanité. Faire de la théologie aujourd’hui, c’est aussi viser la construction du lien social.

Donner un à-venir à la théologie ne pourra se faire sans « activer les liens entre théologie et expérience spirituelle », affirme Christoph Théobald . Par cette perspective théologique, plus ancrée dans les ressources d’une humanité commune vivifiant tant le christianisme que le judaïsme ou l’islam, nous espérons rendre moins frontales les oppositions entre les approches « en dehors » et « au-dedans » de toute démarche croyante.

En bref, réagissant contre tout repli religieux identitaire, le département de théologie de Metz désire prolonger la tradition d’une véritable rationalité théologique au sein de l’université.

Yves Meessen
Directeur du département de théologie - CAEPR